À l'ère du numérique, la présence en ligne est devenue incontournable pour de nombreux professionnels, y compris les avocats. Cependant, cette présence s'accompagne de nombreuses obligations légales et déontologiques spécifiques à la profession. Les avocats doivent naviguer avec précaution dans l'espace numérique pour préserver leur intégrité professionnelle, la confidentialité de leurs clients et le respect des règles éthiques de leur profession. Cet article examine en détail les principales obligations légales que les avocats doivent respecter sur Internet et les réseaux sociaux.
Art. 10.2 al. 1 du RIN : “L’avocat doit, dans toute communication, veiller au respects des principes essentiels de la profession, faire état de sa qualité et permettre, quel que soit le support utilisé, de l’identifier, de le localiser, de le joindre, de connaître le barreau auquel il est inscrit, la structure d’exercice à laquelle il appartient et, le cas échéant, le réseau dont il est membre”.
Quel que soit le support de communication utilisé, l’avocat doit toujours être identifiable. Pour cela, il doit mentionner son nom, celui de son cabinet, le barreau dans lequel il est inscrit, sa qualité d’avocat, son adresse professionnelle, son numéro de téléphone, d’adresse courriel et son appartenance à un réseau si c’est le cas. En bref, il doit renseigner toutes les informations permettant de savoir qui il est.
Le secret professionnel est l'un des piliers fondamentaux de la profession d'avocat. Cette obligation ne s'arrête pas aux portes du cabinet, mais s'étend à toutes les formes de communication, y compris sur Internet et les réseaux sociaux.
Quand il effectue de la publicité, l’avocat est tenu de respecter le secret professionnel. Il ne peut donc pas mentionner le nom de ses clients, ni les dossiers sur lesquels il a travaillé. Il ne peut pas non plus mettre en avant les avis que ces clients lui laisse, tel qu'expliqué dans le VADE-MECUM de la communication des avocats en octobre 2023 : L’avis d’un client, qui par définition ne se base que sur une expérience personnelle et subjective de « consommation », ne répond pas à cet objectif d’informer le public. De plus, en n’affichant que les commentaires positifs, l’avocat ne garantit pas une présentation sincère et juste sur la nature des prestations de services qu’il propose. En tout état de cause, la diffusion de commentaires faisant l’éloge de l’avocat ou de son cabinet constitue un manquement aux principes de délicatesse, de modération, de dignité et de loyauté, étant observé que l’avocat est automatiquement responsable des commentaires publiés. (CNB, Comm. RU, avis n° 2015-019 du 18 mai 2015). En revanche, l’avocat peut faire référence à certains de ces dossiers si, et seulement si les informations qu’il aborde sont déjà dans le domaine public (par exemple si des articles de presse en ont parlé).
Les règles régissant la publicité et le démarchage pour les avocats ont évolué ces dernières années, mais restent strictement encadrées, y compris sur Internet et les réseaux sociaux.
L’avocat ne peut par exemple pas faire de publicité avec sa robe, qui est uniquement réservée aux salles d’audience et aux manifestations professionnelles. Ainsi, afficher une photo de soi en robe serait considéré comme irrespectueux envers le principe de dignité selon la loi du 31 décembre 1971, art. 3, al. 3 et l’avis du CNB, Comm. RU, avis n° 2008-044 du 24 juin 2008.
La publicité est autorisée mais doit rester informative et respectueuse de la dignité de la profession. Elle ne doit pas être comparative ou dénigrer d'autres professionnels. Par ailleurs, le démarchage personnalisé et non sollicité reste interdit. Les avocats ne peuvent pas utiliser les réseaux sociaux pour contacter directement des clients potentiels sans leur accord préalable.
Avec l'entrée en vigueur du Règlement Général sur la Protection des Données (RGPD) en 2018, les obligations des avocats en matière de protection des données personnelles se sont considérablement renforcées.
Les avocats, en tant que créateurs et utilisateurs de contenus juridiques, doivent être particulièrement vigilants quant au respect des droits d'auteur et de la propriété intellectuelle sur Internet. Ceux qui gèrent des blogs juridiques, des newsletters ou des comptes de réseaux sociaux professionnels endossent également une responsabilité éditoriale pour les contenus qu'ils publient.
Les informations juridiques partagées doivent être précises, à jour et vérifiées. Les avocats doivent être prêts à corriger rapidement toute erreur identifiée. Sur les plateformes permettant les commentaires, les avocats sont responsables de la modération pour éviter la diffusion de contenus illégaux ou diffamatoires. Il est crucial de distinguer clairement les informations juridiques générales des conseils juridiques personnalisés, qui ne peuvent être fournis sans une analyse approfondie de la situation individuelle du client.
Les principes de confraternité, essentiels à la profession d'avocat, s'appliquent également dans l'espace numérique.
Les discussions et débats sur les plateformes professionnelles doivent rester courtois et respectueux, même en cas de désaccord. Les avocats ne doivent pas utiliser les réseaux sociaux ou leurs sites web pour critiquer ou dénigrer leurs confrères ou les décisions de justice. Les communications entre avocats, même par voie électronique, restent confidentielles et ne doivent pas être partagées publiquement sans accord mutuel.
Les avocats, en raison de la sensibilité des informations qu'ils détiennent, sont des cibles privilégiées pour les cybercriminels. Ils ont donc une obligation renforcée de vigilance et de sécurité.
Le paysage numérique et réglementaire évolue rapidement, imposant aux avocats une obligation de veille et d'adaptation continue.
Les avocats doivent se tenir informés des nouvelles technologies susceptibles d'impacter leur pratique en ligne, comme l'intelligence artificielle ou la blockchain.
Une attention particulière doit être portée aux évolutions législatives et réglementaires concernant l'exercice de la profession en ligne, tant au niveau national qu'européen.
La participation à des formations sur les aspects numériques de la profession devient cruciale pour maintenir ses compétences à jour.
En résumé, la présence en ligne offre aux avocats de nombreuses opportunités pour développer leur activité, partager leur expertise et interagir avec leurs clients et confrères. Cependant, cette présence s'accompagne d'un ensemble complexe d'obligations légales et déontologiques qui nécessitent une vigilance constante.
Le respect du secret professionnel, la protection des données personnelles, le respect des règles de publicité et de démarchage, ainsi que la responsabilité éditoriale sont autant de domaines dans lesquels les avocats doivent exercer une prudence particulière dans leur utilisation d'Internet et des réseaux sociaux.
La clé pour naviguer avec succès dans cet environnement numérique réside dans une approche équilibrée, alliant innovation et respect scrupuleux des principes fondamentaux de la profession. Les avocats doivent ainsi s'efforcer de tirer parti des opportunités offertes par le numérique tout en restant fidèles aux valeurs d'intégrité, de confidentialité et de professionnalisme qui sont au cœur de leur métier.
En fin de compte, l'adaptation aux exigences du monde numérique tout en respectant les obligations légales et éthiques de la profession est un défi constant mais nécessaire pour les avocats du 21e siècle. Cela requiert une vigilance continue, une formation régulière et une réflexion éthique permanente sur les implications de chaque action en ligne.